Trad: Pierre Goubert
L'avènement
Chapitre I
IL ADVINT au temps d ‘ Uter Pendragon, lorsqu’il était roi de toute l’Angleterre et régnait comme tel, qu’il y avait en Cornouailles un puissant duc qui avait soutenu contre lui une longue guerre. Ce duc s’appelait le duc de Tintagel. Le roi Uter fit venir ce duc, lui ordonnant d’amener avec lui son épouse, car elle était réputée belle dame et grandement sage. Elle avait nom Ygerne.
Adonc, lorsque le duc et sa femme arrivèrent chez le roi, grâce à l’entremise de grands seigneurs ils furent réconciliés. La dame plut beaucoup au roi, il s’éprit d’elle et les festoya sans mesure. il aurait voulu partager la couche de la duchesse. Mais c’était une femme de grande vertu, et elle refusa de consentir aux désirs du roi. Elle avertit le duc, son époux, lui disant. « Je soupçonne qu’on nous a mandés pour que je sois déshonorée. C’est pourquoi, mon époux, je conseille que nous partions d’ici au plus vite pour chevaucher toute la nuit jusqu’à notre château. » Comme elle l’avait dit, c’est ainsi qu’il fut fait, et ni le roi ni aucun de ses conseillers ne s’aperçurent de leur départ .
Dès que le roi Uter apprit qu’ils s’en étaient allés aussi soudainement, il entra en grand courroux. il réunit ses conseillers particuliers et les informa du brusque départ du duc et de sa femme. Lors les conseillers demandèrent au roi d’obliger le duc et son épouse à venir par mandement impératif " Et s’il refuse de se rendre à votre ordre, alors vous serez libre d’agir à votre guise. Vous aurez fondement à mener contre lui une dure guerre ".
Ainsi fut fait. Réponse fut donnée aux messagers. C’était en peu de mots ceci - ni le duc ni son épouse n’acceptaient de venir au roi. Lors le roi entra en grand courroux. À nouveau il fit remettre au duc un clair message, disant qu’il lui fallait se préparer, renforcer troupes et défenses, car avant quarante jours il viendrait le tirer de son plus puissant château. Quand le duc reçut cet avertissement, aussitôt il alla pourvoir d’hommes et de défenses deux de ses châteaux forts, dont l’un avait nom Tintagel et l’autre Terrabel. Il mit sa femme, dame Ygerne, dans le château de Tintagel, et lui-même prit place dans celui de Terrabel, lequel avait maintes issues et poternes. Lors en diligence accourut le roi Uter avec une grande armée. Il mit le siège devant le château de Terrabel. Il y planta des tentes en grand nombre, de grands assauts furent menés de part et d’autre et bien des gens tués.
Si vive était sa colère et si impérieux son amour pour la belle Ygerne que le roi Uter tomba malade. Devers lui vint alors messire Ulfin, noble chevalier, qui demanda au roi les causes de sa maladie. « je vais te les donner, dit le roi. Si je suis malade, c’est de colère, et c’est l’amour que je porte à la belle Ygerne qui m’empêche de guérir. - Eh bien, repartit messire Ulfin, je vais quérir Merlin. Il y apportera remède et votre coeur sera content. »
C’est ainsi qu ‘ Ulfin partit, et d’aventure il rencontra Merlin sous l’accoutrement d’un gueux. Merlin demanda à Ulfin qui il cherchait. « Ce n’est pas ton affaire, lui fut-il répondu. - Eh bien, dit Merlin, je sais qui tu cherches, car tu cherches Merlin.
Donc ne cherche pas plus longtemps, car je suis cet homme-là. Si le roi Uter veut bien m’en récompenser et s’il peut s’engager à satisfaire mon désir, il en tirera plus d’honneur et de profit que moi, car je ferai en sorte qu’il obtienne tout ce qu’il souhaite. -je m’engage, repartit Ulfin, à ce que, dans la limite du raisonnable, ton désir soit satisfait. - Eh bien, dit Merlin, le sien sera exaucé et comblé. Poursuis donc ton chemin. J’aurai tôt fait de te rejoindre. »
Chapitre II
Lors Ulfin fut bien content et chevaucha bon train jusqu’à ce qu’il arrivât chez le roi Uter Pendragon et lui rapportât qu’il avait fait rencontre de Merlin. « Où est-il ? dit le roi. - Sire, répondit Ulfin, il ne tardera guère. » Et Ulfin s’aperçut que Merlin se tenait sous le porche à l’entrée du pavillon. il fut ordonné à Merlin de venir au roi. Lorsque le roi Uter le vit, il lui dit qu’il était le bienvenu. « Sire, repartit Merlin, je connais votre coeur jusque dans ses moindres recoins. Si j’ai votre parole de roi, et de roi d’autorité sacrée, que vous accéderez à mon désir, alors le vôtre sera exaucé. - Le roi en fit serment par les quatre évangélistes.
« Sire, dit Merlin, voici ce que je vous demande. La première nuit que vous passerez auprès d ‘ Ygerne, vous devrez d’elle engendrer un enfant. Quand il sera né, il me sera remis, que je le nourrisse là où je l’aurai décidé. Cela vous vaudra du renom et à l’enfant un profit aussi vaste que sa valeur sera grande. - je veux bien, répondit le roi, qu’il soit fait comme tu le demandes. - Or donc, préparez-vous, dit Merlin, car cette nuit même vous partagerez la couche d ’ Ygerne au château de Tintagel. Vous prendrez l’aspect du duc son époux, Ulfin celui de messire Bretiaus, un chevalier du duc, et moi celui d’un chevalier qui a nom messire Jourdain, lui aussi chevalier du duc. Mais veillez à ne pas lui poser trop de questions, à elle ou à ses gens. Dites que vous êtes malade, hâtez-vous d’aller vous coucher. Et le lendemain matin ne vous levez point avant que je vienne à vous - le château de Tintagel n’est jamais qu’à quatre lieues d’ici. » Il en fut fait comme ils l’avaient conçu. Mais le duc de Tintagel épia comment le roi quittait les assiégeants de Terrabel. Aussi, cette nuit-là, il sortit du château par une poterne afin de harceler l’armée d’Uter. Et, en sortant de sa propre initiative, le duc fut tué avant que le roi parvînt au château de Tintagel. Il se fit donc que ce fut après la mort du duc que le roi Uter partagea la couche d ‘ Ygerne, plus de trois heures après cette mort, et qu’il engendra d’elle Arthur cette nuit-là. Avant le jour, Merlin vint au roi. Il lui dit de se préparer. Lors le roi embrassa dame Ygerne et partit en toute hâte.
Mais, lorsque la dame eut des nouvelles de son époux, que selon tous les rapports elle sut qu’il était mort avant que le roi Uter vînt à elle, elle se demanda qui cela pouvait bien être qui avait dormi avec elle sous l’aspect de son seigneur. Elle s’en désola secrètement mais se tint coite. Lors tous les barons d’une seule voix prièrent le roi de se réconcilier avec dame Ygerne. Le roi ne s’y opposa point, car il avait grande envie de bien s’entendre avec elle. Aussi s’en remit - i l entièrement à Ulfin pour parlementer et, par le moyen de ces négociations, enfin le roi et eue se rencontrèrent. « Maintenant, dit Ulfin, tout va s’arranger. Notre roi est un chevalier plein de vigueur qui n’a point d’épouse, et dame Ygerne est une dame d’une rare beauté. Ce serait grande joie pour nous tous s’il pouvait plaire au roi de faire d’elle sa reine.
Tous en tombèrent aisément d’accord. On fit cette proposition au roi. Aussitôt, en chevalier plein de vigueur, il y consentit volontiers et ainsi, sans attendre, au matin ils furent mariés au milieu de la joie et de l’allégresse générales. Et le roi Lot, des Lothians et des Orcades, épousa la fille d ‘ Ygerne, Morcade, qui fut mère de Gauvain, et le roi Nante, du pays de Garlot, épousa Blasine. Tout ceci fut fait à la requête du roi Uter La troisième soeur, Morgane
Chapitre III
Lors la reine Ygerne chaque jour devint plus grosse et il advint qu’ensuite, moins de six mois après, tandis que le roi était au Ut couché auprès de sa reine, ü la requit, par la foi quelle lui devait, de lui dire de qui était l’enfant qu’elle portait en son sein. Elle fut fort embarrassée pour lui répondre. « Ne soyez pas en peine, reprit le roi. Dites - moi seulement la vérité, et par ma foi je ne vous en aimerai que mieux. Sire, répondit - elle, je vais vous dire la vérité. 12 même nuit que mon seigneur perdit la vie, à l’heure de sa mort s’il faut en croire ses chevaliers, il vint en mon château de Tintagel un homme qui ressemblait à mon seigneur par la parole et les traits du visage, ainsi que deux chevaliers qui avaient le même aspect que ses deux chevaliers Bretiaus et Jourdain. J’allai donc me coucher auprès de lui, ainsi que le voulait mon devoir envers mon seigneur, et cette même nuit, j’en répondrai devant Dieu, cet enfant fut conçu. - C’est vérité, repartit le roi, que vous me dites là, car c’est moi-même qui vins à vous sous cet aspect. Donc, n’en ayez nul effroi, car je suis le père de cet enfant. » Il lui révéla alors comment tout cela avait pu se produire et comment il avait suivi le conseil de Merlin. Et la reine se réjouit grandement quand elle sut qui était le père de l’enfant.
Peu de temps après, merlin vint trouver le roi et dit : « Sire, il vous faut pourvoir à la manière dont votre enfant sera nourri. - Qu’il en soit fait comme tu l’entends, dit le roi. - Eh bien, reprit Merlin, je connais dans ce pays un de vos seigneurs qui est d’une loyauté et d’une fidélité parfaites. C’est lui qui aura la charge de nourrir votre enfant. Son nom est messire Auctor, et c’est un seigneur qui a de grands biens en mainte partie dAngleterre et de Galles. Ce seigneur, messire Auctor, envoyez-le chercher, qu’il vienne vous parler, et demandez-lui vous-même, s’il vous aime, de mettre son propre enfant en nourrice avec une autre femme et que sa femme à lui donne le sein à votre enfant à vous. Ensuite, quand celui-ci sera venu au monde, remettez-le moi à cette poterne secrète là-bas sans qu’il ait été baptisé.»
Il en fut fait comme Merlin l’avait imaginé. Quand messire Auctor arriva, il fit promesse au roi de nourrir l’enfant comme il le désirait. Et le roi accorda à messire Auctor de grandes récompenses. Puis, quand la reine fut délivrée, le roi donna ordre à deux chevaliers et à deux dames de prendre l’enfant, enveloppé dans un drap d’or, et de le remettre au premier pauvre hère qu’ils rencontreraient à la poterne du château. C’est ainsi que l’enfant fut remis à Merlin, qu’il le porta à messire Auctor, le fit baptiser par un saint homme et lui donna le nom d ‘ Arthur. Et ce fut ainsi que la femme de messire Auctor le nourrit de son propre lait.
Chapitre IV
Lors, au cours des deux années qui suivirent, le roi Uter fut atteint d’une grave maladie. Pendant ce temps, ses ennemis empiétèrent sur ses domaines, livrèrent à ses soldats une grande bataille et tuèrent beaucoup de ses sujets. « Sire, dit Merlin, il ne faut pas rester au fit couché comme vous faites. Il faut aller sur le champ de bataille, quand vous iriez en litière, car vous ne l’emporterez sur vos ennemis que si vous êtes là en personne. Alors vous aurez la victoire. »
On fit comme Merlin l’avait imaginé. On porta le roi en litière, et avec lui une grande année alla à la rencontre de ses ennemis. À Saint-Albans ils se heurtèrent à une troupe nombreuse venue du Nord. Et ce jour-là, messire Ulfin et messire Bretiaus accomplirent de hauts faits d’armes. Les gens du roi Uter déconfirent la troupe venue du Nord, occirent beaucoup de gens et mirent le reste en fuite. Après quoi, le roi s’en retourna à Londres et mena grande liesse de sa victoire. Puis il tomba gravement malade et de trois jours, trois nuits ne put dire un seul mot. Tous les barons en eurent grande douleur et demandèrent à Merlin ce qu’il convenait faire de mieux.
« Il n’y a nul remède, leur répondit Merlin, que de se soumettre à la volonté de Dieu. Mais n’oubliez pas, barons, de paraître vous tous, demain matin, devant le roi Uter. Dieu et moi le ferons parler. » Ainsi, le matin suivant, tous les barons en compagnie de Merlin se présentèrent devant le roi. Merlin dit à haute voix au roi Uter : « Sire, est-ce que votre fils Arthur sera après vous le roi de ce royaume, de même que de ses terres données en apanage ? » À ce moment, le roi Uter Pendragon se tourna et dit, de façon que chacun pût entendre : « Il a ma bénédiction et celle de Dieu. je lui enjoins de prier pour mon âme et, dans la justice et dans l’honneur, de réclamer la couronne, faute de quoi il n’aurait plus ma bénédiction. » Là-dessus, il rendit l’âme et fut mis en terre ainsi qu’il convenait à un roi. La reine, la belle Ygerne, en eut une grande douleur ainsi que tous les barons.
Chapitre V
Lors le royaume fut longtemps en grand Péril, car chacun des seigneurs qui disposaient de beaucoup de gens accrut sa puissance, et beaucoup songèrent à ceindre la couronne. Merlin alla trouver l’archevêque de Cantorbéry et lui conseilla de mander à tous les seigneurs du royaume ainsi qu’à tous les gentilshommes Portant armes de venir à Londres le jour de Noël sous peine d’être frappés d’anathème. il le proposait afin que Jésus, qui naquit cette nuit-là, en sa grande miséricorde fit quelque miracle - puisqu’il était venu pour régner parmi les hommes, qu’il montrât par un miracle qui devait légitimement régner sur ce pays. Ainsi donc l’archevêque, suivant le conseil de Merlin, fit venir à Londres tous les seigneurs et tous les gentilshommes portant armes. Et beaucoup veillèrent à ce que leur vie fût sans tache pour que leur prière en fût plus agréable à Dieu.
Dans la plus grande église de Londres - était-ce ou non Saint-Paul ? le livre français n’en dit rien - tous les notables se retrouvèrent, longtemps avant le jour, afin de prier. Et lorsque les matines furent chantées et la première messe dite, on put voir devant l’église , vis à vis du grand autel, une énorme pierre quadrangulaire semblable à du marbre, au milieu de laquelle il y avait une enclume d’un pied de haut. Et dans cette enclume était fichée par la pointe une belle épée nue et des lettres d’or inscrites sur l’épée disaient ceci. qui tirera cette épée de cette pierre est bien né pour régner sur toute l’Angleterre.
Lors les gens s’émerveillèrent. On avertit l’archevêque. « je vous ordonne, dit l’archevêque, de demeurer dans votre église et de continuer à prier Dieu. Que nul ne touche à cette épée avant que la grand-messe soit tout à fait finie. » Ainsi donc, seulement lorsque toutes les messes eurent été dites, tous les seigneurs allèrent contempler la pierre et l’épée. Quand ils virent l’inscription, certains s’essayèrent, ceux qui auraient voulu être roi. Mais nul ne put ébranler l’épée ni la mouvoir. « Il n’est pas ici, dit l’archevêque, celui qui doit obtenir cette épée, mais soyez sans crainte, Dieu révélera qui il est. Cependant, ajouta-t-il, je suis d’avis que nous mettions dix chevaliers de bonne renommée à garder cette épée. » C’est ce qui fut décidé. Puis on fit crier que quiconque voudrait prendre l’épée pourrait en faire l’essai.
Le jour du Nouvel An, les barons mirent en place un tournoi pour le divertissement de ceux des chevaliers qui voudraient jouter ou combattre. Ceci fut fait pour maintenir ensemble les seigneurs et le peuple, car l’archevêque ne doutait aucunement que Dieu ferait connaître qui obtiendrait l’épée. Donc, le jour du Nouvel An, après l’office, les barons gagnèrent la lice, d’aucuns pour la joute, d’autres pour le tournoi, et il advint que messire Auctor, qui avait beaucoup de biens auprès de Londres, vint à la joute. Chevauchaient à ses côtés messire Keu, son fils, et le jeune Arthur qui avait été élevé comme son frère. Messire Keu avait été fait chevalier à
Tandis qu’ils se rendaient sur le lieu de la joute, messire Keu s’aperçut qu’il n’avait pas son épée. Il l’avait laissée à l’hôtellerie de son père. Il pria donc le jeune Arthur d’aller l’y chercher. « je veux bien », dit Arthur, et il pressa son cheval pour aller la quérir. Quand il fut rendu, l’hôtesse et tous les autres étaient partis aux joutes. Arthur en fut contrarié. Il se dit - « je vais aller jusqu’à l’église et prendre l’épée qui est fichée dans la pierre, car il ne peut s’admettre que mon frère, messire Keu, soit privé d’épée un jour comme celui-ci. »
Quand il arriva devant l’église, messire Arthur mit pied à terre et attacha son cheval à la barrière. Il se rendit à la tente, mais n’y trouva nul chevalier, car ils étaient aux joutes. Il saisit donc l’épée par la poignée et, sans violence mais avec fermeté, il la tira de la pierre. Puis il prit son cheval, chevauche jusqu’à ce qu’il rejoignît son frère, messire Keu, et lui remit l’épée.
Dès que messire Keu vit l’épée, il sut parfaitement que c’était celle de la pierre. Il alla trouver son père, messire Auctor, et lui dit . « Regardez, messire, voici l’épée de la pierre et, de par cette épée, c’est moi qui dois être le roi de ce pays. » Lorsque Messire Auctor l’eut contemplée, il rebroussa chemin et s’en vint à l’église. Tous trois mirent pied à terre et entrèrent. Aussitôt messire Auctor fit jurer à messire Keu sur un livre saint de reconnaître comment il s’était procuré cette épée. « Seigneur, dit messire Keu, ce fut par mon frère Arthur. Ce fut lui qui me l’apporta. Comment avez-vous eu cette épée ? dit messire Auctor à Arthur.Seigneur, je vais vous le dire. Lorsque j’arrivai au logis pour y quérir l’épée de mon frère, je n’y trouvai personne pour me bailler son épée. J’ai pensé que mon frère, messire Keu, ne devait pas rester sans épée. je me suis donc hâté de venir céans, et j’ai tiré celle-ci de la pierre sans mai aucun. - Avez-vous trouvé des chevaliers auprès de cette épée ? demanda messire Auctor. - Non, répondit Arthur. - Or donc, dit messire Auctor à Arthur, j’en conclus que c’est vous qui devez être roi de ce pays. - Pourquoi moi ? repartit Arthur, et pour quelle raison ?Messire, dit Auctor, parce que Dieu le veut. Aucun homme ne devait retirer cette épée, hors celui qui était appelé à devenir le roi légitime de ce pays. Maintenant, faites-moi savoir si vous pouvez la remettre où elle était et l’en tirer à nouveau. - Nul besoin d’être maître », dit Arthur. Et il la mit en la pierre. Là-dessus, messire Auctor tenta de l’en retirer mais sans succès.
Chapitre VI
« MAINTENANT, à vous d’essayer », dit messire Auctor à messire Keu. Aussitôt, celui-ci tira sur l’épée de toutes ses forces mais sans effet aucun. « À vous à présent, dit messire Auctor à Arthur. -je veux bien », dit Arthur. Et il la retira aisément. Là-dessus, messire Auctor mit un genou en terre de même que messire Keu. « Las ! dit Arthur, vous qui êtes mon père et mon frère, pourquoi vous agenouiller devant moi ?Non, non, monseigneur Arthur, jamais je ne fus votre père ni de votre sang, niais je vois bien que vous êtes d’un sang plus noble que je n’imaginais. » Et messire Auctor lui dévoila tout. Il lui dit comment il avait été chargé de le nourrir, qui le lui avait ordonné et comment Merlin lui avait confié l’enfant.
Arthur se lamenta grandement lorsqu’il comprit que messire Auctor n’était pas son père. « Messire, dit Auctor à Arthur, voulez-vous bien être mon bon et gracieux seigneur lorsque vous serez roi ? - Autrement je serais bien coupable, répondit Arthur, car vous êtes au monde l’homme auquel je dois le plus, de même que je suis redevable à la bonne dame, ma mère et votre épouse qui, comme si j’étais à elle, m’a nourri et élevé. Et si jamais c’est la volonté de Dieu que je sois roi, comme vous dites, vous me demanderez tout ce que je pourrai et je ne vous ferai point défaut, Dieu me garde de vous faire défaut. - Messire, dit Auctor, je ne vous demanderai qu’une chose, que vous fassiez mon fils, votre frère d’adoption, messire Keu, sénéchal de toutes vos terres. - Ce sera fait, répondit Arthur, et en outre, par ma foi, j’assure que jamais homme n’aura cet office que lui, tant que nous serons en vie, lui et moi.»
Sur ce, ils allèrent trouver l’archevêque. lis lui contèrent comment l’épée avait été obtenue et par qui. Et, le jour de l’Epiphanie, tous les barons vinrent pour tenter de prendre l’épée, fibre à chacun d’essayer. Mais là, devant tous, nul ne put s’en saisir qu’Arthur. De quoi maint seigneur fut courroucé, disant que c’était grande honte pour eux tous et pour le royaume d’être soumis à un jouvenceau qui n’était point de haute naissance. Ils se querellèrent alors, tant et si bien qu’on remit l’affaire à
Ainsi, à
Chapitre VII
À
Là-dessus, tous ils s'agenouillèrent, riches et pauvres, et ils demandèrent pardon à Arthur de l'avoir fait languir aussi longtemps. Et Arthur leur pardonna, prit l'épée entre ses mains et en fit offrande sur l'autel, près duquel se tenait l'archevêque. Ainsi fut-il fait chevalier par le plus digne des hommes qui se trouvaient là. Sans attendre on procéda au sacre. Et Arthur fit serment à ses seigneurs et au peuple d'être un roi loyal, d'observer strictement la justice dorénavant, tous les jours de sa vie.
Lors aussi fit-il entrer tous ceux des seigneurs qui tenaient leurs biens de la couronne, afin qu'ils remplissent leurs offices comme il se devait. Maintes doléances furent faites auprès du roi Arthur. De grands torts avaient été subis depuis la mort du roi Uter. Beaucoup de terres avaient été ravies à des seigneurs, des chevaliers, des dames, des gentils-hommes. Le roi Arthur fit rendre ces terres à ceux auxquels elles appartenaient. Quand ce fut fait, que le roi eut rétabli l'ordre dans toute la contrée à l'entour de Londres, il fit messire Keu sénéchal d’Angleterre. Messire Baudouin de Bretagne fut fait connétable, messire Ulfin chambellan et messire Bretiaus gouverneur, pour faire bonne garde dans tout le territoire du Nord à partir de la rivière de Trent, car en ce temps-là c'était pays surtout tenu par les ennemis du roi. Mais après, il ne fallut que quelques années à Arthur pour soumettre tout le Nord, l'Ecosse et tout ce qui en dépendait. Les Gallois aussi, certains d'entre eux, s'opposèrent à Arthur, mais il les réduisit tous, comme il fit du reste du pays, grâce aux nobles prouesses qu'il accomplit, ainsi que ses chevaliers de
Chapitre VIII
LORS le roi s'en alla au pays de Galles et fit crier qu'une grande fête serait donnée à
Dans les quinze jours qui suivirent, Merlin vint se mêler à ces rois dans la cité de Carlion. Tous eurent grande joie à le voir, et ils lui demandèrent - « Pour quelle raison avez-vous fait de ce jouvenceau d'Arthur votre roi? - Messires, répondit Merlin, je vais vous en dire la raison. Il est fils du roi Uter Pendragon, issu de mariage, engendré d'Ygerne, l'épouse du duc de Tintagel. - Il est donc bâtard, s'écrièrent- ils tous. - Non, repartit Merlin. Après la mort du duc, plus de trois heures après, Arthur fut conçu et, treize jours après, le roi Uter épousa Ygerne. Ainsi donc, je prouve qu'il n'est point bâtard, et à qui soutiendra le contraire j'affirme qu'il sera roi et réduira tous ses ennemis. Et, avant de mourir, longtemps il régnera sur toute l’Angleterre, et lui rendront hommage le pays de Galles, l'Irlande, l’Ecosse et plus de royaumes que je n'en puis citer maintenant. »
Certains des princes s'émerveillèrent des paroles de Merlin et furent enclins à penser qu'il en serait comme il l'avait dit. D'autres eurent un rire méprisant, tel le roi Lot. Un plus grand nombre le traitèrent de sorcier. Mais ils tombèrent d'accord avec Merlin pour que le roi Arthur sortit et parlât aux rois. il fut donné assurance qu'il pouvait sans crainte aller et venir. Adonc Merlin alla trouver le roi Arthur, lui dit ce qu'il avait fait et de ne rien craindre mais de sortir hardiment et de leur parier, de ne pas les ménager mais de leur répondre comme il convenait à leur roi et à leur chef, « car vous les réduirez tous, qu'ils le veuillent ou non. »
Chapitre IX
LoRs le roi Arthur sortit de sa tour. Il avait sous sa robe une cotte de mailles doubles. L'accompagnaient l'archevêque de Cantorbéry, messire Baudouin de Bretagne, messire Keu et messire Bretiaus. C'étaient là les hommes les plus en renom qui se trouvaient avec lui. Quand la ren- contre eut lieu, il n'y eut point d'humilité mais des paroles pleines de fermeté de part et d'autre. Toujours le roi Arthur riposta aux autres rois, et il leur dit qu'il les ferait plier si vie lui était gardée. Ils partirent en colère. Le roi Arthur leur souhaita de se bien porter, et eux lui souhai- tèrent de se bien porter. Puis il s'en retourna dans la tour et s'arma, de même que tous ses chevaliers.
« Qu’ allez-vous faire? dit Merlin aux rois. Vous feriez mieux d'en rester là, car vous ne l'emporterez pas céans, quand vous seriez dix fois plus nombreux que vous n'êtes. - Sommes-nous bien avisés d'avoir peur d'un homme qui lit dans les songes? » demanda le roi Lot. Sur ce, Merlin disparut, Il vint au roi Arthur et lui dit qu'il fallait les attaquer de vive force. Cependant, il se trouva trois cents hommes valeureux parmi les meilleurs qui étaient venus avec les princes, pour se joindre incontinent au roi Arthur. Cela le réconforta grandement. « Sire, dit Merlin à Arthur, ne combattez point avec l'épée que vous avez acquise par miracle, tant que vous ne verrez pas que vous avez le dessous. Alors seulement, tirez-la du fourreau et donnez toute votre mesure. » Aussitôt donc le roi Arthur les assaillit en leur campement. Messire Baudouin, messire Keu et messire Bretiaus occirent de droite et de gauche que c'était merveille. Et toujours le roi Arthur sur son cheval distribuait les coups d'épée et accomplissait de prodigieux faits d'armes, si bien que beaucoup des rois se réjouissaient grandement de ses exploits et de sa bravoure. Lors le roi Lot rompit leurs rangs en les prenant de revers, et le roi des Cent Chevaliers l'imita, et le roi Caradoc. Ils attaquèrent vivement Arthur par derrière. Le roi Arthur, voyant cela, fit volte-face, de même que ses chevaliers, et frappa derrière et devant. Toujours il était au plus fort de la mêlée, jusqu'à ce que son cheval fût tué sous lui. Sur ce, le roi Lot d'un coup d'épée le jeta à terre. Ce que voyant, ses quatre chevaliers le recueillirent et le remirent en selle.
Lors il tira du fourreau son épée, mais elle était si brillante au regard de ses ennemis qu'elle répandait de la lumière comme eussent fait trente torches. Et ainsi il les repoussa et occit beaucoup d'entre eux. Puis les menus gens de Carlion entrèrent dans la bataille avec massues et bâtons et tuèrent beaucoup de chevaliers. Néanmoins, tous les rois, avec ceux des chevaliers qui avaient échappé à la mort, ne se débandèrent point mais ainsi s'enfuirent et abandonnèrent la place. Merlin vint à Arthur et lui conseilla de ne pas les poursuivre.
Chapitre X
ADONC, après la grande fête et le voyage, le roi Arthur s'en revint à Londres et, suivant l'avis de Merlin, tint conseil avec ses barons, car Merlin le lui avait dit : les six rois qui lui avaient fait la guerre se hâteraient de se venger à ses dépens et aux dépens de ses domaines. Le roi leur demanda à tous ce qu'ils proposaient. Ils ne purent faire de proposition mais dirent qu'ils se sentaient assez forts. « C'est bien parlé, repartit Arthur. je vous sais gré de votre courage, mais consentez-vous, vous tous qui m'aimez, à vous en entretenir avec Merlin ? Vous savez qu'il a beaucoup fait pour moi. Il connaît bien des choses. Lorsqu'il sera devant vous, je voudrais que, de bon gré, vous lui fissiez requête de vous conseiller du mieux qu'il pourra.
Tous les barons dirent qu'ils lui feraient cette requête. On fit donc venir Merlin, et civilement tous les barons lui demandèrent de les conseiller du mieux qu'il pourrait. « je vous dirai ceci, leur répondit-il : prenez garde, vous tous. Vos ennemis sont bien forts pour vous. Ils sont parmi les meilleurs hommes d'armes qui soient. À l'heure qu'il est, ils ont gagné à leur parti quatre rois de plus et un puissant duc. À moins que notre roi n'ait plus de chevalerie avec lui qu'il n'en peut assembler dans les limites de son royaume, s'il les affronte en bataille rangée, il sera défait et occis. - Que vaut-il mieux faire en ce cas? demandèrent tous les barons. - je vais vous donner mon avis, répondit Merlin. Il y a deux frères de l'autre côté de la mer. Ils sont rois tous deux et merveilleusement adroits à manier les armes. L'un se nomme le roi Ban de Benoïc et l'autre le roi Bohort de Gaunes. Contre ces rois se bat un puissant entre les puissants, le roi Claudas. il leur fait la guerre pour la possession d'un château, et entre ces princes le combat est rude. Mais ce Claudas a tant de richesses, par le moyen desquelles il s'adjoint de bons chevaliers, que le plus souvent ce sont les autres qui ont le dessous.
« Or donc, voici mon conseil : que notre roi et seigneur souverain fasse mander aux rois Ban et Bohort, par deux chevaliers qui ont sa confiance, pourvus de lettres bien tournées, que s'ils acceptent de venir voir le roi Arthur à sa cour et de l'aider dans ses guerres à lui, il s'engagera par serment à les aider dans leur guerre à eux contre le roi Claudas. Or çà, que dites-vous de ce conseil? interrogea Merlin. - C'est un bon conseil », répondirent le roi et tous les barons.
Incontinent, en diligence, il fut ordonné à deux barons d'aller avec ce message trouver les deux rois. il fut fait des lettres de la plaisante manière que désirait le roi Arthur. Ulfin et Bretiaus furent les messagers. Ils se mirent en chemin, avec belles montures et belles armes, selon les usages de ce temps, passèrent la mer et se dirigèrent vers la cité de Benoïc. Près de là, huit chevaliers les épièrent et, dans un chemin en ligne droite, voulurent les faire prisonniers. Eux les prièrent de les laisser passer, car ils étaient porteurs d'un message pour les rois Ban et Bohort et envoyés du roi Arthur. « Or donc, dirent les huit chevaliers, vous mourrez ou serez nos prisonniers, car nous sommes chevaliers du roi Claudas. »
Là-dessus deux d'entre eux mirent leurs lances en arrêt, Ulfin et Bretiaus aussi mirent leurs lances en arrêt, et ils se coururent sus avec beaucoup de vigueur. Les chevaliers de Claudas rompirent leurs lances. Mais les leurs tinrent bon et jetèrent à bas les deux chevaliers. Ulfin et Bretiaus les laissèrent étendus à terre et poursuivirent leur route. Les six autres chevaliers chevauchèrent devant jusqu'à un passage propice à une autre rencontre. Là, Ulfin et Bretiaus en renversèrent encore deux et passèrent leur chemin. Au quatrième passage, ils se rencontrèrent deux contre deux, et les deux derniers chevaliers furent renversés. Ainsi nul des huit n'échappa sans de graves blessures ou contusions. Il advint que les rois Ban et Bohort étaient tous deux présents quand Ulfin et Bretiaus arrivèrent à Benoïc. Lorsqu'on apprit aux rois l'arrivée des messagers, il leur fut envoyé deux chevaliers de renom, l'un qui se nommait Léonce, seigneur du pays de Paërne, et messire Pharien, un fameux chevalier. Aussitôt ceux-ci leur demandèrent d'où ils venaient. Ils répondirent que c'était de la part du roi Arthur. Lors ce furent embrassades et grande liesse. Mais, sitôt après, lorsque les rois surent qu'ils étaient messagers d’Arthur, ils ne souffrirent aucun retard. Sans délai ils parlèrent aux chevaliers, leur souhaitèrent la bienvenue de la manière la plus cordiale qui soit et leur dirent qu'ils avaient plus de plaisir à les voir qu'aucun prince de la terre. Là-dessus, Ulfin et Bretiaus portèrent les lettres à leurs lèvres pour les baiser et les remirent aux rois. Mais quand Ban et Bohort entendirent le sens de ces lettres, les chevaliers eurent encore meilleur accueil. L'agitation causée par les lettres une fois calmée, on leur donna cette réponse : il serait satisfait aux désirs exprimés dans le message du roi Arthur. Ulfin et Bretiaus pourraient demeurer aussi longtemps qu'ils le voudraient. Il leur serait fait aussi bonne chère qu'ils pouvaient en attendre dans ces marches. Lors Ulfin et Bretiaus contèrent aux rois l'aventure des huit chevaliers à leurs quatre passages. « Ah! ah! s'exclamèrent Ban et Bohort. C'étaient nos bons amis. Quel regret de ne pas avoir su qu'ils étaient là! Ils ne s'en seraient pas tirés à si bon compte. »
Ainsi donc Ufin et Bretiaus furent bien traités et reçurent de beaux présents, autant qu'ils en pouvaient emporter. Et il leur fut donné r&ea
Date de dernière mise à jour : 02/07/2021
1. Par UneMarseillaise le 18/05/2016
Bonjour, demain je dois passer en oral sur ce poème, mais j'aimerais savoir de quoi parle t'il je ne ...
2. Par UneMarseillaise le 18/05/2016
Bonjour, demain je dois passer en oral sur ce poème, mais j'aimerais savoir de quoi parle t'il je ne ...
3. Par ruan le 27/04/2016
nous n'arrivons pas à lire le coté Français de la page traduction du provençale dommage
4. Par Ihssane le 20/04/2016
Woow c'est magnifique